lundi 13 février 2012

Wonderland




















Wonderland, dernière série de toiles en date, révèle un langage pictural élaboré au fil du temps par l'usage de papier tendu et collé désignant la surface à peindre. Le cadre, cette fenêtre dans la fenêtre biseautée et sculpturale, cette fraction trop lisse pour peindre convenablement, me permet une approche différente, où la matière avec peu d'épaisseur – à l'huile et sur la totalité du papier – est rapidement et par endroit enlevée par frottage afin d'y laisser apparaître le blanc de la surface originelle. Alors cette peinture devient nerveuse, colorée et lumineuse pour inventer ce monde poétique nécessaire à la survie de l'être : cette ascèse où douleurs physiques coexistent avec intentions philosophiques. C'est le travail fastidieux et absurde de Sisyphe montant sans cesse son rocher, pour in fine chercher le volume dans la surface.
Twelve boxes of poetry – 2010 – Nicolas Severine Bernard
Nicolas Severine Bernard livre en 2010 une dernière série de toiles faisant la proposition d’une nouvelle identité artistique. Douze œuvres renfermant, comme son intitulé le suggère, une gamme chromatique et une construction diaphane assurément poétique. Ce lyrisme se révèle dans la fraîcheur et l’exultation du trait. Fidèle aux grands formats, Nicolas a apporté à ses douze opus un graphisme emprunt de liesse certes, mais ces surfaces qui sont toujours servies par la lumière n’en sont pas leur seul attrait. Si la série forme une unité visuelle, c’est parce qu’elle est conçue comme une composition par l’artiste. Toutes les pièces se répondent entre elles et créent un écho radiant. Forte d’un travail en amont alambiqué, chaque toile bénéficie d’une structure formelle complète. La surface, émaillée et fleurissante, fait se rencontrer les contrastes et les matériaux. Le châssis très distinctement façonner par l’artiste – ancien ébéniste – prend part à l’esthétique de toutes les composantes de Twelve boxes of poetry. La toile elle-même est également manipulée dans sa totalité. Le verso revêt une couleur chaque fois justement choisie pour se révéler à la lumière et servir la face déjà riche de matières.
Twelve boxes of poetry est le reflet de toutes les influences ancrées dans l’Expressionnisme abstrait dont se nourrit Nicolas Severine Bernard. Si à certains égards, cette série n’est pas sans rappeler la vigueur de Joan Mitchell ou l’impulsion de Willem de Kooning entre autres, elle s’affranchit de leurs codes grâce à la patte singulière qui est celle de Severine Bernard. Cette identité est le fruit d’une maturation de l’abstraction lyrique au gré des précédentes séries dont l’épure et le graphisme enlevé se sont peu à peu dissous pour laisser place à une création presque fleurie mais tout autant gracieuse. Les douze toiles produites entre 2009 et 2010 marque un tournant dans l’œuvre de Nicolas Severine Bernard mais sont aussi le témoin d’une évolution substantielle. Twelve boxes of poetry s’inscrit sans nul doute dans une imagerie transitoire entre Impressionnisme et Expressionnisme Abstrait, enrichie de la vision tangible de cet artiste indéniablement inscrit dans son temps. Sa recherche esthétique est ô combien personnelle et témoigne d’une logique similaire à la création d’un album concept. Au fait d’une lecture linéaire ou isolé, chaque organe de la série dénote du style racé et affirmé du peintre rouennais.
Le travail de Nicolas Severine Bernard arrive à contre-courant des mouvements picturaux actuels, qu’il n’élude pas tout à fait d’ailleurs, et cela parce qu’il est grandi par des influences majeures, se démarque de tous les spectres habituels. Avec Twelves boxes of poetry, il impose sa personnalité artistique.
Hélène Martinez